Les murailles vitrifiées des forteresses d’Écosse

Au nord-est et dans le centre de l’Écosse s’élèvent une soixantaine de forts et forteresses datant de l’âge du fer. Leurs murailles constituent une énigme qui résiste aux analyses des experts et des archéologues. Situées sur des hauteurs au sommet nivelé ou sur des promontoires aux flancs abrupts, les forteresses d’Écosse, généralement de forme ovale, ont été édifiées par les Celtes. D’autres forts du même type existent en Angleterre, en Bohême et en France. Mais les constructions écossaises présentent une particularité : la technique d’édification de leurs murailles.

Les murailles des forteresses d’Écosse

Les murs d’enceinte des forteresses celtes possèdent en effet une particularité inhabituelle : ils semblent avoir subi un traitement spécial destiné à renforcer leur solidité. Ce traitement est connu sous le nom de vitrification. La technique consiste à rendre homogènes, en les enflammant, des murailles constituées par un entassement de pierres, forcément irrégulières . La chaleur fait fondre les différents minéraux qui, en se mélangeant, donnent au matériau de base une résistance exceptionnelle. Comment cette vitrification a-t-elle été menée ? Quels sont les divers matériaux qui composent les murs écossais ? Telles sont les deux questions essentielles auxquelles il faut tenter de répondre.
Dès les premières études menées au XVIIIème siècle, les théories prolifèrent. On avance d’abord que les Celtes ont utilisé des roches rejetées par les anciens volcans sur lesquels les forteresses auraient été établies. Cela, en dehors d’une impossibilité géologique, est au moins contredit par le fait que certaines forteresses se trouvent sur des promontoires : or les pierres des volcans retombent toujours, naturellement, au loin et vers le bas des pentes. L’économiste James Anderson, lui, en 1777, pense qu’on utilisait une sorte d’enduit à base de terre ferrugineuse . Les Celtes en auraient badigeonné les pierres qu’ils auraient ensuite enflammées afin de les vitrifier et de les cimenter entre elles . L’absence de creusets et de hauts-fourneaux dément totalement cette hypothèse . Mais l’explication la plus étrange est fournie sans nul doute par le «druide» Coarer-Kalondan qui, en 1973, explique que les forts ont été vitrifiées au cours de batailles entre des «dieux» venus de l’espace et maniant des sortes de lance-flammes surpuissants…
Le seul élément objectif est apporté par les fouilles pratiquées sur les sites fortifiés d’Abernathy et de Dun Lagaidh. Elles montrent que le mur originel est du même type que le murus gallicus décrit par César dans sa Guerre des Gaules, c’est-à-dire qu’il est composé d’un mélange de pierres et de bois (le bois améliorant la stabilité de l’ensemble), un espace vertical creux étant ménagé au milieu et rempli de moellons.

Pourquoi la vitrification ?

Deux thèses s’affrontent: celle de la vitrification accidentelle ou par fait de guerre, et celle de la vitrification volontaire pour améliorer la résistance des remparts.
La première se heurte à plusieurs impossibilités. En effet, on peut difficilement admettre que tant de forteresses aient été incendiées par négligence ou par accident. De même, il semble improbable que leurs constructeurs aient continué à préférer ce type de rempart durant des siècles à celui composé entièrement de pierres, s’il s’était avéré vraiment aussi aisément inflammable par le premier envahisseur venu.
Enfin, des chimistes ont montré avec des échantillons provenant de onze des forts, qu’il fallait, pour les faire fondre, une température de 1 100 à 1 300 °C, combinée avec l’emploi d’un procédé à combustion lente : une hypothèse apparemment contradictoire avec les conditions brutales d’un siège. Les archéologues Gordon Childe et Wallace Thorneycroft ont cependant tenté des expériences en 1934 et 1937 pour démontrer le contraire, troublés par le fait qu’il existe des preuves d’occupation de bon nombre des forteresses avant la date à laquelle on peut faire remonter la vitrification de leurs remparts.
L’hypothèse d’une vitrification volontaire implique, elle, que les bâtisseurs celtes aient eu connaissance d’une technique de construction soignée et originale : ils ont dû en effet choisir un matériau capable d’atteindre une température de vitrification sans que l’ensemble ne s’effondre au cours
de l’opération.
Des études menées dans les années 1980 sur le rempart de la cité d’Affrique, en Lorraine, semblent indiquer l’existence de fours rudimentaires installés sous le matériau à fondre et détruits au cours de l’opération. Rien ne prouve cependant que ce système, ingénieux ait été effectivement utilisé en Écosse : le mystère de la vitrification des murailles celtes reste en fait irrésolu.